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Nouvelles et essais, par Julius Nicoladec |
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Yannick BallifUne graveuse de renom du XXe siècleYannick Ballif - Yannick est un prénom épicène, c’est-à-dire tant masculin que féminin - fut une artiste réputée de son vivant. Polyvalente, elle s’illustra plus particulièrement dans la gravure, dans la peinture et le pastel, domaines dans lesquels elle excellait. Elle a pratiqué notamment l’eau-forte et la pointe sèche. Née Marriannick Swinnen en 1927 à Longwy, elle est décédée en 2009 à Paris. Bien que son parcours n’ait probablement jamais croisé la Nièvre, le hasard des circonstances fait qu’un hommage lui sera prochainement rendu à Prémery, à l’initiative de Christophe, l’un de ses quatre enfants, lors d’une exposition qui permettra de découvrir ou de redécouvrir la richesse d’une œuvre aussi variée que stimulante et qui a laissé une empreinte durable dans le monde de l’art graphique du 20e siècle. La danse des mines, ou la fascination de la couleurDès son plus jeune âge, Yannick Ballif fut fascinée par la couleur. Elle a rapporté comment, enfant, contemplant le grand choix de pastels qu’elle possédait, elle collectionnait les « fils » de couleur en cassant ses crayons de couleur et les mettait dans une boîte. Voir ces petites chevilles colorées rouler et créer une dynamique de couleurs vives était pour elle une grande joie. Elle a décrit l’importance majeure qu’eurent très tôt pour elle ses crayons de couleur. « Enfant, je gardais soigneusement les mines cassées de mes crayons. Mon intention était de les déposer au pied de la cheminée quelques jours avant la Saint-Nicolas ; le temps nécessaire pour lui de les recoller et en faire de nouveaux crayons. » La « danse des mines » lui procurait grande joie. « Une grande boîte contenait mon trésor et il me suffisait d’un léger mouvement pour les envoyer toutes dans un coin, et la valse commençait ! Rouge, bleu, vert, jaune tournoyaient et c’était l’extase. » De cette passion juvénile s’ensuivra la grande maîtrise dans l’utilisation des couleurs dont elle fera preuve dans son œuvre ultérieure. Imagination et fantaisieToujours parlant de son enfance, elle nous révèle la diversité précoce de son inspiration. « J’aimais dessiner des Chinoises avec des aiguilles à tricoter dans les cheveux, des pommes avec des ombres rouges et des feuilles vertes, des raisins bien ronds avec une pointe de lumière. Des caravelles toutes voiles dehors au milieu des vagues, et des roses des vents, très géométriques, et faites au compas. » L’œuvre ultérieure confirmera à la fois l’imagination, la fantaisie, mais aussi la grande maîtrise et la grande minutie qui la caractérisent. Une formation auprès des plus grandsSon parcours comporte une formation solide, des études de dessin dès 1944, l’étude de la gravure à la célèbre Académie Julian à Paris ainsi qu’auprès de Johny Friedlander, graveur et peintre réputé qui lui a communiqué la plupart des bases du travail, notamment les techniques d’intaille dans le cuivre, vers 1960. C’est ainsi qu’elle obtint dès 1961 le prix de la gravure à la deuxième biennale des jeunes de Paris. Elle a travaillé avec Paul Colin, artiste polyvalent, notamment célèbre pour son affiche de la « Revue nègre », à la préparation d’une rétrospective de ses affiches à la Maison de la Pensée Française. Elle a également fréquenté l’atelier de gravure à l’eau-forte de Jean-Eugène Bersier et de Robert Cami à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, où elle a poursuivi ses études jusqu’en 1965. Yannick Ballif fut enfin elle-même professeur de gravure à l’École Supérieure des Arts Appliqués de 1977 à 1984. Au cours d’une assez longue carrière, elle exposa ses œuvres en France, dans une dizaine de pays européens, mais également ailleurs dans le monde, comme à New York, San Francisco ou Buenos Aires. Ses œuvres sont exposées dans de nombreuses collections prestigieuses et musées à Édimbourg, Prague, Buenos Aires, Wroclaw, Katovice, Bradford, Paris (au Musée d’Art Moderne et dans le Cabinet d’Estampes de la Bibliothèque nationale), New York, Mexico. Elles ont fait l’objet d’enchères publiques de très nombreuses fois, et sont toujours proposées de nos jours. Une grande maîtrise technique au service de l’émotionTant ses dessins que ses impressions font l’objet d’une grande précision. Il y a en outre une utilisation souvent assez surprenante du relief. En utilisant en effet des techniques de gaufrage, elle ajoute dans certaines de ses œuvres une dimensionnalité étonnante. Les couleurs sont saisissantes, leur saturation fréquente s’affirmant généralement avec vivacité en juxtaposition du blanc du papier ou de lignes noires. Si le noir est éventuellement traité comme expression de la tristesse, disons de manière figurée de la noirceur, elle peut aussi le faire valoir en le traitant comme une couleur à part entière, qui peut alors dominer de manière aussi éclatante que toute autre. Sa maîtrise technique lui permet d’affirmer dans ses œuvres une présence forte, particulièrement vibrante, qui ne permet guère de rester indifférent. Certains thèmes sont récurrents dans son parcours, tels les fleurs et les motifs floraux, l’eau, les affleurements rocheux. Mais, tout en maîtrisant parfaitement la délimitation des formes, l’œuvre peut aussi parfois se jouer aux limites de l’abstraction. On peut également déceler dans son inspiration une influence asiatique, notamment celle de l’art du dessin japonais. L’atmosphère dominante qui s’en dégage est paradoxalement à la fois composée de vivacité, d’émotion forte et de sérénité. Une œuvre à redécouvrir. Pour en savoir plus
* Présentation rapide, expositions, quelques reproductions : https://galeriemnc.com/artistes/ballif-yannick/ Julius NICOLADEC |
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