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Nouvelles et essais, par Julius Nicoladec |
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Les miniatures de Mino Grazioli
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Redonner réalité au réelLe côtoiement quotidien des lieux et des choses tend à nous les faire perdre de vue. Ils sont bien là, certes, mais banalisés par la routine de leur présence, déréalisés en quelque sorte, ayant perdu l’aspect insolite qu’a en soi, en tout cas que devrait avoir en soi, toute existence. Une composante essentielle de toute démarche artistique est de se donner pour mission de rendre consistance à ce qui est devenu évanescent. Retrouver vivacité à l’encontre de cet émoussement. De nombreuses techniques peuvent y participer. L’une d’elles est le changement d’échelle, en particulier la miniaturisation. Bouleversant le regard blasé auquel nous nous étions laissé aller, ce changement de rapport de grandeur entre nous et le monde nous force à reconsidérer ce qui nous entoure et, par là même, à ressaisir notre propre situation en son sein. En littérature, Swift en avait fait en son temps une brillante démonstration avec le personnage de Gulliver. Mino Grazioli, quant à lui, réalise des tableaux miniatures en trois dimensions, des lieux banals comportant généralement les objets les plus communs, nous forçant à les revoir vraiment, sous une réalité en quelque sorte plus intense. Les fausses perspectivesSuite à sa rencontre en 1979 avec le peintre australien Fred Jessup, qui jouera un grand rôle dans l’impulsion de sa démarche, il découvre les fausses perspectives des enluminures et bas-reliefs pratiquées par les moines du XIe au XVe siècle. Si le principe général de la diminution de la grandeur des objets des premiers plans aux derniers plans y est respecté, le point de fuite par contre n’est pas unique, comme il devrait l’être dans un strict dessin géométrique. Cette multiplication des directions, qui peut sembler disloquer la cohérence de la représentation, permet d’y présenter la même scène sous différents angles, et l’enrichit de la multiplicité d’une présence plus réelle. Mais en deux dimensions, les points de fuite restent sur la même surface. Le passage en trois dimensions rend cette technique plus complexe, les points de fuite se situant alors en arrière dans l’espace, en dehors de la représentation. Aussi l’artiste s’intéressera-t-il ultérieurement au cinéma des années 1940 et 1950, dont les décors utilisent fréquemment cette technique de la fausse perspective. |
Les miniatures sont donc de véritables trompe-l’œil, mais en relief. Les matériaux utilisés sont divers, bois, fer, laiton, plâtre, résine, le travail de patine permet de suggérer d’autres matériaux. Les objets sont le plus souvent réalisés par Mino lui-même. L’utilisation d’angles de vision inhabituels, la juxtaposition de fausses perspectives, le décalage des points de fuite, la transgression des dimensions dégressives, redonnent pleine présence aux objets. C’est en fait notre vision habituelle, ou en tout cas ce que nous réputons être notre vision habituelle, qui s’en trouve disqualifiée comme abstraction et appauvrissement des possibilités. Mino Grazioli se lance donc avec passion dans la réalisation de ses miniatures. Cette vocation de miniaturiste lui vaudra en 1989 le prix Fémina, concours européen de la miniature. Reconnu alors comme spécialiste, c’est à lui qu’on fait appel pour la réalisation d’une réplique au centième de la grotte de Niaux pour le musée archéologique de l’Ariège. D’origine méridionale, il devient à Paris décorateur miniaturiste dans le domaine de la publicité. Ce travail, une décennie durant, l’amènera à travailler pour des musées tels L’Arsenal, le musée préhistorique ou le musée des arts et traditions populaires. Il exposera à Paris, puis, devenu nivernais, à La-Charité-sur-Loire et à Prémery. Il participe en 2016 à une exposition collective d’artistes nivernais à Kastellaun, en Allemagne. Il expose également en 2017 au Centre artistique de Delft en Hollande. Une nouvelle exposition de ses créations récentes est prévue à la Galerie 34 de Prémery en septembre 2020.
Rendre insolites des lieux communs (au sens propre), tels une simple chambre, un marchand de mobylettes, de vulgaires toilettes. Ou encore une salle de classe, avec les objets idoines, agencés toutefois d’une manière inadéquate. Mais le plus souvent, des lieux plus fantaisistes, avec parfois quelque dimension surréaliste, comme peuvent malgré tout présenter des agencements réels dont nous n’avons pas remarqué le côté saugrenu faute d’y avoir prêté une attention suffisante. Plus récemment, l’introduction d’éclairages, eux aussi miniaturisés, et qui peuvent soutenir ce qui demanderait à être souligné. Les ombres renforcent à la fois le côté secret et paradoxalement le réalisme de l’objet. D’une humeur méridionale inégalement sérieuse, Mino Grazioli sait renforcer ses lieux miniaturisés d’un humour, qui peut aller d’un simple décalage inattendu, telle la substitution d’un autre objet à celui qui aurait dû être là, par exemple un bouton qui devient un abat-jour, à quelque éclat plus provocateur. Par oscillation entre rêve et réalité, entre rire et émotion, il souhaite provoquer la rencontre intime entre le public et son œuvre. Humour, dérision, voire provocation, ont pour effet d’obtenir un regard plus riche sur la réalité, à l’encontre de la pente naturelle que nous aurions à ne plus la voir.
* Vues d’une exposition de Mino Grazioli à Prémery en 2017 :
http://galerie34-premery.fr/artistes/grazioli/mino.htm
* Joindre l’artiste : dom.minograzioli@gmail.com
* Quelques vues sur Fred Jessup : http://www.artnet.fr/artistes/fred-jessup/
Julius NICOLADEC
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Quelques textes un peu plus légers, et qui néanmoins valent le détour, à lire dans les recueils de nouvelles |
màj 220605 |
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