Annie Jeanneret et Guidi
L'ouvroir Sainte-Marie d'Arthel

L’ouvroir Sainte-Marie d’Arthel

L’ouvroir, le terme remonte au moyen-âge, est d’une manière générale un lieu de travail en commun. Plus particulièrement, il s’est agi d’ateliers de charité où se regroupaient femmes et jeunes filles sous le patronage de religieuses, pour y réaliser des travaux de couture et de broderie, vendus au bénéfice des pauvres, ou encore destinés à l’ornementation sacerdotale.
Arthel est un petit village rural nivernais, avec son étang, ses murs de pierres sèches, ses deux châteaux, l’absence de fils en aérien, dont le charme lui a valu d’être classé « site patrimonial remarquable ».
L’ouvroir Sainte-Marie date de 1889. Situé au pied du parc du château, il connaît aujourd’hui, sous l’impulsion d’Annie Jeanneret, une nouvelle vie en tant que centre artistique d’Arthel. Il offre des activités culturelles diverses, un salon littéraire mensuel, un atelier de théâtre hebdomadaire, accueille un festival d’été annuel pluridisciplinaire — en 2023, piano, théâtre et contes —, et présente une exposition permanente des œuvres conjointes de Guidi et Annie Jeanneret. Il affiche cette ferme volonté selon laquelle tout le monde, quelles que soient ses origines socioculturelles, quels que soient ses moyens, a un droit absolu de pouvoir s’ouvrir à la culture et à l’art.

Annie Jeanneret, artiste polyvalente

L’animatrice des lieux a mené une vie artistique riche et polyvalente. D’abord comédienne dans des registres très divers, de la tragédie grecque au théâtre de boulevard et au café-théâtre, musicienne classique ayant pratiqué la composition, le piano, la direction et l’enseignement musical du primaire au lycée, poète, animatrice culturelle. En 1978, elle fait la rencontre, qui sera décisive, de Guidi, peintre et sculpteur. De 1979 à 1983, elle organise avec lui le festival de la grange de Fillerval, dans l’Oise, offrant une grande richesse d’expositions et de manifestations artistiques. Elle fait avec lui de nombreuses excursions à travers le monde, adjoignant de manière intime sa poésie à l’œuvre de celui qui devient son époux. De 1982 à 1998, elle mène une carrière de journaliste dans la presse écrite et à la radio, pour France-Culture et pour Radio France Internationale, où elle s’entretient avec de nombreuses personnalités, de l’Abbé Pierre au Professeur Olievenstein, entretiens qui donneront naissance à deux recueils, « Partager l’essentiel » (2003), « De la science à la vie » (2008). Associant son goût de l’écriture poétique en symbiose à la créativité plastique de Guidi, ils réalisent ensemble des albums, un Guide poétique de Venise, l’ouvrage « Poèmes-Sculptures », préfacé par Paul Belmondo. En 2000, tombés amoureux de la Nièvre, de la diversité de ses campagnes, ils fondent à Crux-la-Ville la « Grange des Serrées », lieu de création artistique. Après la disparition de Guidi en 2001, Annie Jeanneret y propose l’exposition de ses œuvres jusqu’en 2015, tout en continuant à développer sa créativité propre. Ses « Chorégraphies intérieures », exposées en 2022 au festival d’Arthel, offrent des dessins de courbes entremêlées aux couleurs lumineuses, souvent inspirés de la musique, telles ses variations sur la clé de sol. Un recueil de poèmes, « Au fil de ma vie », illustré de ses propres dessins et de ceux de Guidi, veut marquer « de petites traces de vie (...) dérisoires et essentielles à la fois ». Avec cette volonté incoercible de ne jamais renoncer : « je crierai jusqu’au bout et je serai vivante ».

Guidi (1933-2001), peintre et sculpteur

Guidi est né à Paris, d’origine modeste. Passionné de musique classique, il se forme une culture musicale étendue et pointue. Ouvrier, il suit en même temps une formation artistique, notamment de dessin. Il poursuivra ensuite sa formation à l'illustre Académie de la Grande Chaumière. Installé avec sa famille à Vallauris dans les années 60, il y fait notamment la connaissance de Picasso et y entame sa première carrière de peintre. Lassé de Vallauris, il choisit ensuite la Normandie, où il installe un atelier de poterie, puis dans l’Oise. La pratique de la poterie le mènera à la sculpture, avec comme matériau l’argile, qu’il passe ensuite dans le four à poterie. Il incite à toucher ses sculptures, « on ne voit bien qu’avec les mains ! ». Grâce à sa rencontre avec Annie Jeanneret en 1978 vient l’aventure du festival de Fillerval, qui connaîtra une certaine renommée. L’amour, le couple, mais aussi la solitude, seront source d’inspiration de sculptures intimes, selon ses termes « à vivre », « à toucher ». Un retour à la peinture le mène à un abandon de la sculpture, à l’exception de commandes officielles de sculptures monumentales, comme le Mausolée de Crépy-en-Valois. Il n’aime guère le commentaire : « Si l’on peint ou si l’on sculpte, c’est justement que les mots ne peuvent pas tout dire ! Si l’œuvre a besoin de trop d’explications, c’est qu’elle n’en vaut pas la peine. » La créativité de Guidi s’est manifestée à travers de multiples autres techniques, telle la lithographie, tant de manière abstraite que figurative. À partir de 1995, partant de la technique classique du trempage à la cuve utilisée en reliure, où se mêlent hasard et maîtrise, il explore les possibilités des encres d’imprimerie, y adjoignant dessins, reprises de peintures, découpages, collages, etc. Il obtient ainsi des paysages, personnages, animaux inexistants, natures mortes inconnues, comme provenant d’une autre réalité. Pour ses 60 ans, la ville de Paris lui décerne sa médaille de vermeil pour l'ensemble de son œuvre.

Pour en savoir plus

* Les œuvres de Guidi : https://guidi.anniejeanneret.fr/
* Les poèmes d’Annie Jeanneret : https://anniejeanneret.fr/
* Centre Artistique d'Arthel, 12 rue de l'Ouvroir, 58700 Arthel (06 18 09 68 39). Exposition permanente Guidi et Annie Jeanneret sur rendez-vous.

Julius NICOLADEC