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Pascal Titre

français
1623 - 1662
première lecture conseillée :
"Les pensées"

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Sa vie

Fils du second président de la "cour des aides" de Clermont (Ferrand), Blaise Pascal est né le 19 juin 1623. Il perd sa mère à trois ans, et est lui-même de santé fragile. Sa famille s'installe à Paris en 1631, puis à Rouen en 1639, pour revenir à Clermont peu avant la mort du père (1651). Il montre très jeune des capacités exceptionnelles pour les mathématiques. A  17 ans, il publie l'Essai sur les Coniques qui le fait connaître en Europe. Sa renommée s'accroît encore après l'invention en 1642 d'une machine à calculer. Sous l'influence de l'abbé de Saint-Cyran, la famille se convertit à une forme assez austère du christianisme en 1646 et commence à être marquée par le jansénisme, dont le centre est l'abbaye de Port-Royal. Pascal père et fils reprennent les expériences de Torricelli sur le vide, qui sont en rupture totale avec le dogme aristotélicien sur l'impossibilité du vide ("la nature a horreur du vide"). Sa santé se détériore encore à partir de 1647 (maux de tête et d'estomac violents). Son activité se centre principalement autour de deux pôles : la recherche scientifique et technique et la polémique religieuse.
Sur le premier point, il publie la Grande Expérience de l'équilibre des liqueurs, après expérimentation au sommet du Puy de Dôme. Car, à la différence de Descartes, dont  il a subi l'influence, mais auquel il s'oppose notamment sur l'existence du vide, Pascal pratique l'expérimentation. Il publie divers opuscules de physique et de mathématiques. Il co-invente en 1661 "le carrosse à cinq sols", qui est considéré comme l'un des premiers transports en commun.
Sur le second point, il participe en 1647 à une polémique connue sous le nom d'affaire sainte Ange. Après une vie mondaine, alors que sa soeur Jacqueline entre dans les ordres à  Port-Royal, il prend dégoût du monde et fait en 1654 une expérience "d'extase mystique" qui va bouleverser son existence et l'amener à renoncer à la vie du monde, mais aussi à son activité scientifique. Il écrit divers opuscules religieux, et publie une par une en 1656 les dix-huit lettres qui constituent les Provinciales, dans lesquelles il défend contre les jésuites la rigueur religieuse et morale des jansénistes. La guérison inattendue de sa nièce et filleule est interprétée comme un miracle qui impressionne Pascal. Il adopte une position dure dans le conflit qui oppose les jansénistes au clergé de France. Mais la mort de sa soeur en 1661 l'amène à cesser la polémique. Gravement malade depuis 1659, il meurt en 1662.

Son oeuvre principale, les "Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets, qui ont été trouvées après sa mort parmi ses papiers", connue sous le le nom de "Pensées de Pascal" est publiée de manière posthume en 1669. Il ne s'agit pas d'une oeuvre constituée, mais d'un important amas de notes, de fragments d'une haute teneur à la fois philosophique et littéraire, qu'il reste à classer et organiser.

Pascaline
La "pascaline", machine arithmétique inventée par Pascal.

Son œuvre

"Essai pour les coniques" (1642), "Expériences nouvelles touchant le vide" (1647), "Récit de la grande expérience de l’équilibre des liqueurs" (1648), "Traité du vide" (1651, seuls des fragments sont connus), "Traité du triangle arithmétique" (1654), "La Règle des partis" (1654), "Les Provinciales" (1656/1657), "Élément de géométrie" (1657), "De l’Esprit géométrique et de l’Art de persuader" (1657), "Histoire de la roulette" (1658), "L’Art de persuader" (1660), "Pensées"  (posthume).

Introduction à sa pilosophie

1.Un scientifique et épistémologue fécond.

Pascal est d'abord mathématicien. Il est partie prenante des principales recherches novatrices de l'époque comme le calcul infinitésimal, les suites de nombres entiers, le raisonnement par récurrence, la théorie des probabilités, l'étude des cycloïdes. Il établit le "théorème de Pascal" sur les coniques, il invente le "triangle de Pascal" donnant les coefficients du binôme. Mais il y aussi un volet épistémologique de sa réflexion, notamment une interrogation sur le fondement des mathématiques ("De l'esprit géométrique"). Il met en valeur le problème de la régression à l'infini qu'implique toute recherche de vérité. Pour fonder une vérité, il faut se fonder sur d'autres propositions dont la vérité est déjà établie. Mais c'est à la longue impossible, car il faudra toujour s’appuyer encore sur d’autres vérités et ainsi de suite, sans fin. Se pose ainsi le problème de la méthode axiomatique. l est hors de portée de l'homme d’obtenir une certitude à propos de ces axiomes. Ils ne peuvent être saisis que par l’intuition et ce fait souligne, selon Pascal, la nécessité de la soumission à Dieu dans la recherche de la vérité. Il développe par ailleurs une théorie de la définition en distinguant les définitions conventionnelles définies par un auteur de celles qui sont comprises de tous parce qu’elles désignent naturellement leur référent. Pascal s'intéresse aussi à la pédagogie des mathématiques, et, par extension à l'enseignement des langues.
Comme physicien, il écrit, après expérimentation, un "Traité du vide" dans lequel il établit, comme d'autres à son époque, et contre les dogme chrétiens, aristotélicien et cartésien en vigueur, l'existence du vide et de la pression atmosphérique. L'étude des fluides l'amène à concevoir la presse hydraulique et la seringue. Il est amené à préciser sa conception face aux critiques qui voulaient absolument que le vide soit en fait une sorte de  matière invisible  : « Pour montrer qu’une hypothèse est évidente, il ne suffit pas que tous les phénomènes la suivent ; au lieu de cela, si elle conduit à quelque chose de contraire à un seul des phénomènes, cela suffit pour établir sa fausseté. »

2. Un mondain devenu fou de dieu

Si; conformément à l'esprit de la science moderne, Pascal se place d'abord dans la lignée aristotélicienne de Copernic, Galilée, Descartes, il s'en éloignera après sa révélation chrétienne : "Car cela est inutile et incertain et pénible."  La science peut éventuellement dire comment ça marche, mais cela ne donne pas vraiment le sens du monde La révélation consiste d'abord à comprendre que la véritable interrogation est religieuse : "Je ne puis pardonner à Descartes : il voudrait bien dans toute sa philosophie pouvoir se passer de Dieu ; mais il n'a pu s'empêcher de lui donner une chiquenaude pour mettre le monde en mouvement ; après cela, il n'a plus que faire de Dieu".
Après avoir vécu une vie assez "mondaine", Pascal adopte des positions religieuses "dures" : soutien à l'austérité janséniste (pour lequel il écrit "Les Provinciales" qui fustige le "laxisme" des jésuites et leur casuistique), croyance aux miracles et au mysticisme. Divers incidents peuvent laisser supposer à cet égard un rôle de la maladie et de l'angoisse de la mort. On connaît le célèbre "pari de Pascal", sans doute influencé par ses recherches mathématiques. Un pari du genre gagnant-gagnant, qui dit que s'il n'y a pas de "preuve" de Dieu, il vaut mieux miser dessus, car si on se trompe, on ne perd rien, alors que si on mise sur la non existence de Dieu et qu'on se trompe, on perd tout :"Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter." Le projet inachevé des pensées est de construire une Apologie de la religion chrétienne, sur le thème directeur qu'hors de Dieu, il n'est point de salut.

3. Une critique sociale virulente

Mais, ce faisant, Pascal, par expérience bon connaisseur de l'affaire, dresse une critique assez virulente de la vie sociale, et plus généralement de la condition humaine : « On nous traite comme nous voulons être traités : nous haïssons la vérité, on nous la cache ;nous voulons être flattés, on nous flatte ; nous aimons à être trompés, on nous trompe. La vie humaine n'est qu'une illusion perpétuelle ; on ne fait que s'entre-tromper et s'entre-flatter. » (Pensée 100)

4. Un lointain précurseur de l'existentialisme

L'interrogation poussée de Pascal sur la nature de l'homme l'amène à des questions très modernes, par exemple sur l'identité (Qu'est-ce que j'appelle "moi" ? voir textes 2 et 4), sur la relation à autrui (Qu'aime-t-on quand on dit qu'on aime ? texte 3). La réflexion sur le "divertissement" esquisse les thèmes existentialistes futurs de l'angoisse et du néant. L'activité pour l'activité, le divertissement, ont la fonction fondamentale de fuir l'angoisse que nous apporte la conscience de notre condition. Surtout oublier le sombre tableau de notre finitude : « Les Hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser » (Pensée 133).

Citations

1. « Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous rappelons le passé; nous anticipons l'avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours, ou nous rappelons le passé pour l'arrêter comme trop prompt, si imprudents que nous errons dans des temps qui ne sont point nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C'est que le présent d'ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu'il nous afflige, et s'il nous est agréable nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l'avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n'avons aucune assurance d'arriver.
Que chacun examine ses pensées. Il les trouvera toutes occupées au passé ou à l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent, et si nous y pensons ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin.
Le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais.
(Pensée 172)

2. « Celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus.
Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m’aime-t-on, moi ?  Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même.  Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme ? Et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables ? Car aimerait-on la substance de l'âme d'une personne abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste.  On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualités.
Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualités empruntées. »
(Pensée 323)

3. « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser: une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui; l'univers n'en sait rien.
Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il nous faut relever et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser: voilà le principe de la morale. »
(Pensée 347)

4. « Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être: nous voulons vivre dans l'idée des autres une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. Nous travaillons incessamment à embellir et conserver notre être imaginaire et négligeons le véritable. Et si nous avons la tranquillité, ou la générosité, ou la fidélité, nous nous empressons de le faire savoir, afin d'attacher ces vertus-là à notre autre être, et les détacherions plutôt de nous pour les joindre à l'autre ; et nous serions de bon coeur poltron pour en acquérir la réputation d'être vaillants. Grande marque du néant de notre propre être, de n'être pas satisfait de l'un sans l'autre et d'échanger souvent l'un pour l'autre!  (Pensée 147)

Pour en savoir plus

Lien externe (fourni sans engagement) :
Article Pascal sur Wikipedia

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