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La petite bibliothèque de l'incrédule |
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"Le football, une peste émotionnelle"de Jean-Marie Brohm et Marc PerelmanHaines identitaires côté réalité, éducation pour la jeunesse côté propagande. Fric, pouvoir, asservissement des masses, déguisés en culte contradictoire du dépassement et de la fraternité. Le transcendant et ses substituts finissent toujours dans l'obscénité, pour la simple raison qu'ils en sont issus. Le football est la triste illustration de ce que le fanatisme renait toujours de ses cendres sous d'autres formes, toujours plus basses, toujours plus cruelles. | |
Jean Norton Cru, Du témoignageJean Norton Cru eut la lucidité et le courage de s'interroger sur ce que pouvait être un témoignage, principalement en temps de guerre. Et comme ce n'était pas un conteur de fables, il amassa d'abord les matériaux. Une intéressante recherche de la vérité sur la mémoire et l'histoire, qui suscita donc naturellement haines et tentatives de récupération... Le témoin oublie, mais s'il se contentait de perdre la trace des faits il n'y aurait que demi-mal. En réalité sa mémoire le dupe : elle recrée à mesure ce qu'efface l'oubli et cette création n'est jamais conforme à la réalité primitive. Elle est inspirée par des notions longuement entretenues dans l'esprit, en l'espèce par l'image traditionnelle et légendaire de la guerre. Cela explique comment ce témoin pourra raconter, en toute bonne foi, qu'il a vu et accompli des choses conformes à la guerre selon les livres, mais en contradiction avec son expérience de combattant. |
Techniques et institutions : des créations humaines qui peuvent être judicieuses au départ, et qui pourtant tournent très mal. Vigilance et recul critique sont en ces matières des nécessités permanentes pour sauvegarder ce qu'il y a d'humain en l'homme. Ivan Illitch, prêtre d'origine, mena sa vie durant le combat pour la libération de l'homme contre lui-même. Ivan Illitch, Oeuvres complètesLe principe du libéralisme, "rendre économiquement faisable ce qui est techniquement possible", en restant totalement indifférent aux multiples conséquences néfastes, est humainement catastrophique. D'une part, destruction du cadre de vie, les éventuels frais de restauration étant très rarement à la charge des profiteurs (comme dit une formule actuelle : privatisation des profits, collectivisation des pertes). D'autre part, la valeur même de la vie est pervertie, voire anéantie. |
Premier des textes à tenter de rendre compte de la réalité humaine avec un minimum de lucidité, propédeutique à tout assainissement de la pensée, le livre qui devrait être à la fois au programme du baccalauréat et à celui de l'examen de délivrance du permis de voter. Le testament de Jean MeslierC'est long, un peu ennuyeux, comme tout ce qui est vraiment passionnant, car ce qui n'est pas ennuyeux n'y échappe souvent que par son insignifiance. Mais on ne regrette pas d'avoir lu le bon curé... | |
Charles Sanders PeirceAméricain, et néanmoins philosophe, C. S. Peirce s'interroge, en deçà des affabulations usuelles en la matière, sur ce que penser veut dire. Nos conceptions sont toutes des croyances. Mais il y a croire et croire, et toutes les nuances qu'on voudra entre les deux. Peirce s'inquiète de ce qui les peut plus ou moins justifier. Il n'y a pas d'autre moyen de jauger une croyance que d'en apprécier les conséquences. Une conception quelconque n'est donc rien d'autre que l'ensemble de ses effets pratiques. Telle est le constat qui définit ce que Peirce appellera, pour se démarquer du pragmatisme de son "disciple" James, le pragmaticisme. |
"L'école du réel" de Clément RossetParole d'apostat, il vaut le détour de lire le philosophe infidèle. La métaphysique entière, sous toutes ses formes, est volonté forcenée de refuser le réel en prétendant en rendre compte. Et comme l'intelligence est souvent forme supérieure de la bêtise (lisez quelques pages de Hegel ...), chaque nouveau délire se veut dénonciateur (d'ailleurs parfois perspicace) des autres. Mais il y a mille autres manières plus banales de croire se protéger du réel. Car l'homme n'a ni le goût, ni le courage, ni peut-être la force d'y faire face, pas même pour tenter d'en avoir un petit aperçu... |
"L'argument fondamental pour la liberté d'expression est le caractère douteux de toutes nos croyances." D'être logicien et mathématicien n'empêche pas nécessairement de conserver tout son esprit dans l'approche des problèmes moraux. Peu avant son "Mariage et la morale", le maître de Cambridge irrite déjà les "bien"-pensants, s'attaquant avec sa tranquille efficacité aux mythes et autres croyances craintives de l'occident, de psychanalyse en relativité, de superstition scientifique en élucubrations politiques, se gardant avant tout des "hommes de bien". Les essais sceptiques de Bertrand Russell |
"La sagesse qui rit" de Han RynerQue le réel soit individuel implique non seulement que toute loi, physique comme morale, est une généralisation abusive, mais aussi que tout ce que nous pouvons dire ou penser reste nécessairement insuffisant face au réel qui le déborde. Han Ryner, sous son image de vieux prophète anarchiste et lyrique, tente de nous inciter à revenir à la modestie d'un véritable réalisme. |
Paul WatzlawickNotamment connu comme fondateur de l'institut de recherche mentale de Palo Alto en Californie, a fourni un travail critique stimulant sur la notion de vérité en général, sur celle de maladie mentale en particulier, et sur l'ambiguïté de notre utilisation de la notion de réalité. A recommander en première lecture : "La réalité de la réalité" et "Faites vous-mêmes votre malheur". |
Et, à titre de divertissement, gardé pour la fin, pour la fine bouche, comme on dit : "Les 200 clitoris de Marie Bonaparte" d'Alix LemelLa psychanalyse peut sembler religion comme une autre : ses prophètes, ses mythes, ses simples mensonges, ses multiples petites escroqueries fondatrices ou justificatrices, son intolérance fanatique, ses hérésies, ses excommunications, sa certitude d'avoir raison contre le reste du monde. Mais aussi ses approches ingénieuses de petits aspects du monde, ses subtilités rhétoriques qui parviennent à donner du plaisir, et parfois même à penser ... On peut, au vu de tout cela, au nom de la Vérité (enfin d'une autre), se lancer dans la dénonciation pure et dure, style "Livre noir". Mais bon, les dénonciations solennelles donnent souvent trop d'importance à ce qu'elles prétendent déconsidérer. Combien plus efficace, pour ramener la chose à sa plus juste dimension, que de se divertir à la poursuite de ces 200 clitoris, dans la guerre sournoise et insidieuse entre la princesse et le grand fondateur. |
Rendons grâce, comme on dit chez les mystificateurs, aux "fabuloclastes", ces démystificateurs qui nous aident à tenter de revenir au réel, qui nous mettent en garde contre toutes ces fables, qui pourraient rester sympathiques si elles daignaient se contenter de se faire valoir comme créations, disons même de récréations, (plus ou moins) poétiques, mais qui deviennent odieuses dès qu'elles prétendent de manière ridicule se substituer au monde. Certes tout homme a plus ou moins sa part de faiblesse, de délire, de lâcheté, et ceux-ci n'y échappent pas, mais ils nous demeurent globalement salutaires. Pour se divertir, quelques autres variations, plus innocentes, dans le domaine des histoires même pas vraies : les recueils de nouvelles de Julius Nicoladec. |
màj 220602 |